Budget 2000-2001 / Discours sur le budget

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V. Soutenir la transformation de l'économie pour créer encore plus d'emplois

a) Progrès considérables réalisés jusqu'ici

Au cours du siècle qui vient de s'écouler, l'économie du Québec a connu de prodigieuses transformations.

Il y a cinquante ans à peine, c'était une économie de type quasi colonial et nous étions, comme le disait Félix Leclerc, presque inexorablement condamnés au statut de « coupeurs de bois et de porteurs d'eau dans notre propre pays ».

La révolution tranquille a balayé ces mauvais souvenirs. Notre peuple s'est finalement pris en mains : il moissonne aujourd'hui. Un des plus éminents économistes québécois contemporains, le professeur Pierre Fortin de l'UQAM, a clairement démontré que tous les indicateurs vitaux de notre économie se sont améliorés depuis 1960 et que la révolution tranquille constitue un énorme succès économique et social.

Après plusieurs milliards de dollars d'investissement aussi bien dans l'éducation que dans le développement économique, après d'immenses efforts individuels et collectifs, le Québec se classe maintenant parmi les pays les plus avancés du monde.

  • Notre main-d'oeuvre de très grande qualité témoigne de la pertinence de nos investissements élevés en éducation. On décerne plus de diplômes universitaires par habitant au Québec qu'aux États-Unis, en France ou au Japon. Montréal dispute à Boston le titre de métropole universitaire du continent quant au nombre d'étudiants universitaires par rapport à la population totale.
     
  • Nous disposons de ressources scientifiques et technologiques de premier plan. Le Québec a réalisé des progrès considérables au chapitre de l'innovation : son taux d'investissement en R-D dépasse maintenant celui du Canada et celui de la moyenne des pays européens.
     
  • Le Québec est bien établi dans les industries à la fine pointe de la technologie que sont l'aérospatiale, la pharmacie, les biotechnologies, le multimédia, les technologies de l'information et des communications, le génie-conseil avancé.
     
  • Nous avons les capacités linguistiques et culturelles nécessaires pour envahir les marchés mondiaux : il se parle 80 langues différentes au Québec. À Montréal, 50 % de la main-d'oeuvre est bilingue et 20 % parle une troisième langue.
     
    Cela ne nous empêche pas de vénérer notre langue nationale, officielle et commune, et d'en faire encore et toujours la défense et l'illustration. Le présent budget dégage d'ailleurs une somme additionnelle de 2 millions de dollars à cette fin. Nous devons en effet intensifier notre action dans deux directions vitales pour l'avenir de notre langue : l'aide aux petites et moyennes entreprises dans le développement de programmes de francisation et la formation linguistique des immigrants en milieu de travail, qui est le lieu le meilleur pour favoriser leur intégration à la communauté de langue française.
     
  • Le Québec a fait le bon choix en optant pour l'ouverture sur le monde. Ainsi, la part du PIB exportée est passée de 44 % il y a quelque dix ans à près de 60 % aujourd'hui. Le Québec a fait un bon choix en appuyant massivement le libre-échange, alors que les actuels dirigeants du Canada, qui s'en font les chantres aujourd'hui, le combattaient avec autant d'ardeur que d'étroitesse de vue. Depuis ce temps, nos exportations vers les États-Unis d'Amérique ont triplé alors que celles destinées au reste du Canada ont progressé d'à peine 28 %.

Rappelons que cette spectaculaire entrée dans la modernité s'est opérée tout en accentuant notre contrôle sur notre espace économique. Le « Maîtres chez nous » des libéraux d'une meilleure époque est devenu une réalité économique éclatante. C'est ainsi que les entreprises d'ici s'affichent maintenant aux tous premiers rangs de l'excellence et du succès. On y retrouve Quebecor, premier imprimeur du monde, Alcan, deuxième producteur d'aluminium, Bombardier, troisième avionneur, CGI, cinquième firme d'Amérique en technologies de l'information, sans compter une multitude d'autres sociétés, qui s'illustrent partout sur la planète.

Je souligne en passant que les investissements consentis pour reprendre en mains notre économie et la moderniser n'ont reçu qu'un soutien faible sinon négatif du gouvernement central. Encore aujourd'hui et depuis toujours, le Québec, avec 25 % de la population, ne reçoit que 13,8 % des dépenses de R-D effectuées dans les laboratoires fédéraux, 16,7 % des subventions fédérales aux entreprises, 18,6 % des immobilisations fédérales. Ces injustices chroniques nous ont coûté et nous coûtent, sur base cumulative, des centaines de milliers d'emplois. Ce n'est pas parce qu'un grief est vieux qu'il est faux. Ce n'est pas non plus parce qu'une injustice se perpétue qu'elle est moins injuste ou que ceux qui la dénoncent sont moins pertinents.

 
b) Défis à relever à l'aube du 21e siècle

À l'aube du 21e siècle, nous devons poursuivre avec ardeur les transformations déjà si bien enclenchées.

Rappelons en quelques mots la philosophie de notre gouvernement en matière de modernité économique et sociale.

Autant la mondialisation est une source inestimable de croissance pour toute la terre, autant il importe d'en réguler les impacts sur les populations. Nous avons vu récemment, à Seattle comme à Davos, que le processus de mondialisation fait l'objet d'appréhensions de plus en plus vives, dont plusieurs sont tout à fait fondées.

Pour notre gouvernement, le procès du protectionnisme est évidemment terminé et vouloir arrêter la mondialisation en rétablissant les entraves au commerce serait rétrograde et dangereux notamment pour les pays pauvres. Par ailleurs, nous devons apprendre à contrôler, réguler, humaniser la nouvelle donne, plutôt que de revenir en arrière. Il faut un meilleur type d'intervention des États, au plan national, international et supra-national. Dans ce contexte, le concept de nation est d'une pertinence accrue face aux risques d'homogénéisation des langues, des cultures, des identités et des modes de vie. La nation constitue plus que jamais un contrepoids indispensable à la préservation de la diversité humaine.

Notre gouvernement croit aussi que la justice sociale doit être l'objet de la même passion que la création de la richesse qui par ailleurs la rend possible. Nous en avons donné une nouvelle preuve au Sommet du Québec et de la jeunesse, en consacrant 246 millions de dollars pour les trois prochaines années à l'indexation des prestations d'aide sociale des bénéficiaires aptes au travail et à l'accroissement des prestations en cas de partage de logement.

Nous croyons à cette fameuse main invisible d'Adam Smith -- économiste écossais – faut-il le préciser. Mais nous croyons tout autant à la main visible et solidaire de l'action collective que préconisent les gouvernements progressistes. Tony Blair, le premier ministre socialiste de Grande-Bretagne, disait récemment que, si les socialistes se sont trompés en voulant niveler le succès, ils ont sûrement eu raison en cherchant à le rendre accessible à tous. C'est ce que nous croyons aussi.

 
c) Accroître les investissements privés

Depuis 1994, le Québec a réalisé des progrès remarquables sur le plan des investissements productifs du secteur privé. Ces derniers ont augmenté de pas moins de 60 %, comparativement à moins de 50 % en Ontario et au Canada. Notre rythme de croissance des investissements n'est pas celui du Canada mais bien celui des États-Unis, c'est-à-dire bien supérieur.

Malgré cette remarquable performance, il faut encore presser le pas et mieux faire face à la concurrence. Ce budget comporte donc des initiatives majeures pour poursuivre sur notre lancée.

Notre fiscalité des entreprises est en général tout à fait compétitive. Mais pour décrocher de nouvelles implantations, notre régime fiscal n'est pas encore au niveau de plusieurs pays et États qui nous font concurrence. Nous aurions avantage à suivre par exemple les traces de la République d'Irlande, un petit pays de 3,7 millions d'habitants, qui connaît depuis peu de temps une expansion phénoménale. Parmi les facteurs explicatifs, on note une approche fiscale agressive, avec un taux d'imposition des profits des entreprises de 10 %, qui s'est traduite par une augmentation directe non pas seulement des investissements mais également des revenus du gouvernement.

N'ayant pas encore fait le choix judicieux de la souveraineté nationale comme l'Irlande l'a fait depuis longtemps, nous ne pouvons pas l'imiter totalement faute de contrôler tous les impôts. Nous pouvons quand même faire notre bout de chemin et espérer que le gouvernement fédéral nous suivra, ce qu'il ne fait à peu près jamais, faut-il hélas le rappeler -- sauf quand il s'agit de créer des dédoublements et des chevauchements inutiles et coûteux.

J'annonce aujourd'hui deux mesures dont l'objectif est de réduire la fiscalité des entreprises pour créer de l'emploi comme en Irlande.

  • Tout d'abord, une exemption fiscale complète de dix ans pour tous les projets majeurs d'investissement. Cette exemption couvrira à la fois l'impôt sur les profits, la taxe sur le capital et la contribution des entreprises au Fonds des services de santé.
     
  • Je prolonge aussi deux dispositions annoncées comme temporaires et qui devaient prendre fin le 31 mars  : l'amortissement accéléré à 125 % et le congé de taxe sur le capital de deux ans pour les investissements manufacturiers et le matériel informatique sont prolongés jusqu'au 31 mars 2005.

À elle seule, la première de ces deux mesures devrait provoquer des investissements de 5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, qui entraîneront la création de 16 000 emplois. Même si nous ne contrôlons pas tous nos impôts, nous nous rapprochons du modèle irlandais. Cela devrait plaire à nos très nombreux compatriotes qui ont des racines là-bas et à qui je souhaite en passant une bonne Saint-Patrick.

Depuis la fermeture des Ateliers Angus de Montréal, les forces vives du milieu ont réagi en se fixant comme objectif de revitaliser ce site. Ils entendent y créer un Technopôle pour accueillir des PME manufacturières ou du secteur de l'environnement. Ce projet admirable doit créer, d'ici 10 ans, 2 000 emplois pour les jeunes dans ce quartier convalescent. Afin de leur donner un coup de pouce, j'annonce la création d'un crédit d'impôt égal à 40 % des salaires des nouveaux employés pendant leur première année d'embauche.

Ce budget comporte en outre plusieurs autres mesures pour appuyer l'investissement au Québec. Je mentionne les plus importantes.

  • Nous allons bonifier l'enveloppe d'engagements du fameux programme FAIRE car il dépasse ses objectifs : nous avions comme cible la création et le soutien de 28 000 emplois en cinq ans. Nous sommes déjà rendus à 27 000 après 21 mois : c'est évident qu'il faut continuer.
     
  • Nous allons améliorer le programme Garantie-PME qui fonctionne bien.
     
  • Le programme immigrants-investisseurs sera également révisé, afin d'accroître la part des bénéfices financiers versée aux PME et de maximiser les retombées économiques pour le Québec.
     
  • Nous soutiendrons financièrement la restructuration de la sous-traitance, notamment dans l'industrie aérospatiale.
     
  • Enfin, nous allons clarifier la Loi sur la fiscalité municipale, de manière à ce que les équipements antipollution industriels soient exemptés de taxe foncière dans toutes les municipalités du Québec. Nous compenserons bien sûr les municipalités pour toute perte reliée à cette mesure.

 
d) Le commerce électronique, un secteur d'avenir

Comme chacun sait, une extraordinaire mutation des moyens de communication est en cours, qui se reflète sur l'ensemble de l'économie et de la société. Utilisant un concept de communication militaire à l'origine, mais d'un fabuleux potentiel pour l'échange d'information de toutes sortes entre les humains, le réseau Internet connaît un développement fantastique. On compte aujourd'hui 250 millions d'internautes dans le monde et leur nombre s'accroît de plusieurs millions chaque mois.

Cette révolution atteint maintenant l'économie marchande. Le montant des achats « en ligne » s'élève déjà à 100 milliards de dollars dans le monde, et ce montant double chaque année.

Cette véritable explosion du commerce électronique s'explique par les caractéristiques révolutionnaires des nouvelles transactions : réduction du temps, abolition de la contrainte spatiale, décloisonnement complet du commerce mondial.

Le Québec doit s'inscrire au plus vite et le mieux possible dans cet environnement en mutation rapide. Toutes nos entreprises doivent s'adapter afin de conserver et d'accroître leurs marchés dans ce contexte de concurrence accrue.

Nous voulons soutenir les entreprises du Québec afin qu'elles tirent tous les avantages possibles de ce monde nouveau.

  • J'annonce donc la mise sur pied d'un crédit d'impôt égal à 40 % des dépenses engagées par les PME pour développer un site transactionnel sur Internet. L'objectif est d'amener 10 000 PME à se prévaloir du programme et une somme de 126 millions de dollars est prévue à cette fin pour les trois prochaines années.
     
  • Il faut de plus que le Québec dispose d'un réseau de télécommunications de pointe sur l'ensemble de son territoire. C'est pourquoi j'annonce un amortissement accéléré de 125 % pour les investissements en fibre optique dans les régions mal desservies jusqu'à ce jour. Il nous en coûtera 15 millions de dollars pour que toutes les régions du Québec participent à armes égales à la révolution en cours.

Il faut également que l'ensemble des citoyens qui le désirent puissent participer pleinement à cette grande et nouvelle mouvance culturelle. Ce n'est pas uniquement une affaire de commerce.

Jusqu'à maintenant, pour des raisons sans doute culturelles et linguistiques, les ménages du Québec ont un taux de branchement sur Internet inférieur au reste du Canada. Le déficit est plus grand encore chez les familles à plus faibles revenus où des questions de moyens sont en cause. Trop de jeunes sont privés d'un instrument presque indispensable au développement de leurs pleines capacités d'apprentissage.

Voilà pourquoi j'annonce un programme de branchement sur Internet pour les familles dont les revenus les rendent admissibles aux allocations familiales. Toutes celles qui se brancheront à compter du 1er mai prochain auront droit à ce soutien. Elles pourront, à condition de se brancher avant le 1er avril 2001, bénéficier, pendant deux ans, d'une aide pouvant atteindre 75 % du coût d'un abonnement à Internet et du coût d'acquisition des équipements requis.

Nous consacrerons à cette mesure, à la fois sociale et éducative, un budget de 120 millions de dollars. Elle pourrait bénéficier à près de 200 000 familles. Elle aidera de nombreux jeunes à s'intégrer dans la société contemporaine sans égard à la fortune.

Pour le commerce électronique en général, d'autres projets sont à l'étude et seront annoncés de manière stratégique au moment jugé opportun.

 
e) Modernisation des infrastructures

Le gouvernement du Québec se félicite de l'impact que les programmes d'infrastructures municipales ont eu depuis 1994. Ils ont permis de doter les municipalités d'infrastructures de qualité et de créer plus de 25 000 emplois. Mais les besoins en infrastructures demeurent importants tel que le démontre le rapport de « La coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec ». C'est pourquoi, en collaboration avec ses partenaires municipaux, et dans la foulée de l'annonce des intentions fédérales en cette matière, le gouvernement du Québec mettra tout en oeuvre pour conclure un nouveau programme tripartite de renouvellement des infrastructures.

Le gouvernement du Québec entend cependant aller de l'avant dès à présent. J'annonce donc la création d'un programme d'infrastructures proprement québécois auquel nous consacrerons la somme de 290 millions de dollars. Celui-ci servira à défrayer une partie des coûts de construction et de réfection de nombreux travaux d'immobilisation.

De ce montant global, une tranche de 175 millions de dollars sera réservée pour les projets municipaux et une somme de 25 millions de dollars sera affectée aux interventions à caractère environnemental. De plus, 90 millions de dollars seront voués à la réalisation de projets stratégiques en transport.

Le ministre des Transports recevra également 5 millions de dollars pour soulager les problèmes de congestion de la Rive-Sud de Montréal. En raison des travaux sur le pont Victoria en particulier, la ville de Mont-Saint-Hilaire sera reliée à Montréal par un train de banlieue d'ici quelques mois.

Par ailleurs, il arrive que des ménages du Québec doivent supporter des dommages considérables à leur propriété en raison de catastrophes naturelles ou autres fatalités. La pyrite est un de ces fléaux qui place de nombreux ménages dans une situation financière extrêmement pénible.

Nous allons les aider : c'est une question de solidarité devant le malheur. Nous lançons donc un programme d'aide aux victimes de la pyrite, ciblé vers les ménages les moins fortunés. Le gouvernement prendra à sa charge 75 % des dépenses de réparations, jusqu'à concurrence de 30 000 $. Toutefois, ce taux de 75 % sera décroissant en fonction inverse de la valeur des propriétés.

 

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